1ère Edition du Colloque International " Jeunesse et Entrepreneuriat Digital : Vers des business modèles innovants et globaux en Afrique "
Dans un paysage numérique mondial en constante évolution, l’entrepreneuriat digital s’impose comme un levier de transformation pour le progrès économique, social et technologique. En Afrique, cette dynamique favorise l’émergence de modèles d’affaires innovants, inclusifs et à fort potentiel de croissance, capables de répondre aux besoins locaux tout en s’intégrant dans les chaînes de valeur mondiales (World Bank, 2021 ; UNCTAD, 2022).
Cependant, malgré cet élan prometteur, les évaluations récentes révèlent une sous-représentation persistante des jeunes entrepreneurs dans les initiatives à fort impact (OCDE, 2023). Cette situation ne découle pas uniquement d’un manque d’expérience, mais résulte plus fondamentalement d’un accès limité aux ressources essentielles telles que le financement, les compétences numériques, le mentorat et les réseaux stratégiques (Ismail et al., 2020 ; Sutter, Bruton & Chen, 2019). L’absence d’écosystèmes entrepreneuriaux solides dans de nombreux pays du Sud global freine ainsi la capacité des jeunes à développer des projets à la fois scalables et durables (Isenberg, 2011 ; Stam & van de Ven, 2021).
Cette réalité est confirmée par les données les plus récentes du Global Entrepreneurship Monitor (GEM, 2024) : à l’échelle du continent africain, bien que plus de 40 % des adultes perçoivent des opportunités entrepreneuriales, un taux équivalent renonce à entreprendre par peur de l’échec. L’entrepreneuriat y demeure principalement de nécessité, en raison d’un accès limité à l’emploi formel et aux ressources stratégiques. Le Maroc illustre cette dynamique : 12,5 % de la population adulte est engagée dans une activité entrepreneuriale précoce (TEA), mais 87,2 % des porteurs de projets déclarent créer leur entreprise faute d’alternative professionnelle. Malgré une forte exposition à l’entrepreneuriat — 78 % des Marocains déclarent connaître un entrepreneur dans leur entourage —, l’écosystème reste fragile. Le score NECI (National Entrepreneurship Context Index) du Maroc n’atteint que 3,9 sur 10, indiquant un environnement peu propice à l’émergence d’entreprises pérennes et innovantes.
Parallèlement, la transformation numérique – portée par l’intelligence artificielle, la blockchain, la fintech, le e-commerce transfrontalier et les plateformes collaboratives – redéfinit les modalités de l’entrepreneuriat. Ces technologies permettent aux startups de contourner les trajectoires de croissance traditionnelles et de s’internationaliser rapidement (Nambisan, Wright & Feldman, 2019 ; Autio, Szerb, Komlósi & Tiszberger, 2022). Elles ouvrent l’accès à de nouveaux marchés et à des publics mondiaux, tout en offrant aux entrepreneurs locaux la possibilité de développer des solutions ancrées dans leurs contextes mais à vocation globale.
Dans ce contexte, les jeunes, souvent plus à l’aise que leurs aînés avec les outils numériques, peuvent constituer une véritable force motrice. Leur aisance dans les environnements digitaux, conjuguée à leur créativité et à leur dynamisme, représente un réservoir de potentiel encore largement inexploité en matière d’innovation et de disruption. Néanmoins, ce potentiel risque de rester latent en l’absence d’interventions systémiques incluant des politiques publiques inclusives, une éducation numérique accessible, des mécanismes de financement de l’innovation et des infrastructures propices (Elia, Margherita & Passiante, 2020 ; Zahra & Wright, 2016).
Quels axes pour comprendre, débattre et agir ensemble ?
Le colloque « Jeunesse et entrepreneuriat digital : vers de nouveaux Business Models innovants et globaux en Afrique » articule ses réflexions scientifiques autour des axes suivants :
Axe 1 :Inclusion entrepreneuriale des jeunes dans les pays du Sud
L’entrepreneuriat des jeunes dans les pays en développement demeure freiné par des barrières structurelles (chômage, inégalités d’accès à l’éducation et au financement), exigeant une analyse des politiques publiques et des mécanismes d’accompagnement adaptés (Lans et al., 2014 ; Ismail et al., 2020). L’intégration des femmes et des dynamiques intergénérationnelles, souvent négligées, constitue également un enjeu de recherche majeur (Brush et al., 2009).
Barrières structurelles (socio-économiques, éducatives, financières) à l'entrepreneuriat des jeunes;
Mécanismes d’accompagnement, politiques publiques et rôle des acteurs intermédiaires;
Spécificités de l’entrepreneuriat féminin et diversité intergénérationnelle;
Axe 2 :Business modèles et création de valeur dans l’ère numérique
L’évolution des modèles économiques vers des logiques digitales – plateformes, SaaS, blockchain, IA – interroge les théories classiques de la création de valeur et invite à repenser les modèles de croissance (Teece, 2010 ; Nambisan, 2017). La scalabilité, en particulier, devient un critère central de viabilité des startups (Blank, 2013 ; Autio et al., 2022).
Transition des modèles traditionnels vers des modèles numériques et agiles
Opportunités offertes par le numérique : plateformes, e-commerce, intelligence artificielle, blockchain, etc.
Scalabilité des startups : conditions de passage à l’échelle, modèles de croissance, limites et facteurs clés de succès
Axe 3:Écosystèmes entrepreneuriaux et dispositifs de soutien à la croissance
L’approche écosystémique (Isenberg, 2011 ; Stam, 2015) permet de cartographier les environnements d’innovation, en identifiant les rôles des incubateurs, universités, financements alternatifs et diasporas. Ces leviers sont cruciaux pour soutenir l’émergence de startups dans des environnements souvent fragmentés.
Cartographie et évaluation des écosystèmes en Afrique
Incubateurs, tech hubs, financement, mentorat et rôle de la diaspora
Contribution des universités et des établissements d’enseignement supérieur au développement des startups
Axe 4 : Internationalisation des startups à l’ère numérique
À travers le prisme du modèle d’Uppsala revisité (Johanson & Vahlne, 2009) et des travaux sur l’internationalisation accélérée (Knight & Cavusgil, 2004), il devient pertinent d’analyser les stratégies d’expansion adoptées par les startups numériques issues du Sud. L’internationalisation digitale, facilitée par les technologies, offre de nouveaux chemins d’accès aux marchés mondiaux (Autio, Sapienza & Almeida, 2000).
Stratégies d’internationalisation des entreprises portées par des jeunes du Sud global
Accès aux marchés internationaux et aux chaînes de valeur mondiales : obstacles et opportunités
Études de cas de startups africaines à ambition internationale
Axe 5 : Relectures théoriques et perspectives comparatives
Ce dernier axe propose une relecture critique des modèles historiques de l’entrepreneuriat (Schumpeter, 1942 ; Shane & Venkataraman, 2000) à la lumière des réalités africaines. L’objectif est de contribuer à une hybridation théorique Nord-Sud et à la construction de modèles contextualisés (Zahra & Wright, 2016).
Relecture critique des modèles classiques (Schumpeter, Isenberg, Uppsala…)
Hybridation des modèles entrepreneuriaux Nord-Sud
Comparaisons régionales et propositions de cadres théoriques contextualisés
Cette rencontre scientifique se veut un espace de croisement disciplinaire où seront valorisées des recherches rigoureuses, empiriquement fondées, théoriquement contributives et sensibles aux enjeux de développement et d’innovation dans les pays du Sud. Les travaux présentés alimenteront une réflexion collective sur les leviers d’un entrepreneuriat jeune, digital et globalement connecté.
Références bibliographiques
Autio, E., Nambisan, S., Thomas, L. D. W., & Wright, M. (2022). Digital affordances, innovation, and the scale-up of entrepreneurial ventures. Strategic Entrepreneurship Journal, 16 (1), 26–50. https://doi.org/10.1002/sej.1419
Autio, E., Szerb, L., Komlósi, É., & Tiszberger, M. (2022). The evolution of startup ecosystems: Exploring configurations of entrepreneurial ecosystem elements and stages of venture development. Technological Forecasting and Social Change, 178, 121604. https://doi.org/10.1016/j.techfore.2022.121604
Autio, E., Sapienza, H. J., & Almeida, J. G. (2000). Effects of age at entry, knowledge intensity, and imitability on international growth. Academy of Management Journal, 43 (5), 909–924. https://doi.org/10.2307/1556419
Blank, S. (2013). Why the lean start-up changes everything. Harvard Business Review, 91 (5), 63–72.
Brush, C. G., de Bruin, A., & Welter, F. (2009). A gender-aware framework for women’s entrepreneurship. International Journal of Gender and Entrepreneurship, 1 (1), 8–24. https://doi.org/10.1108/17566260910942318
Elia, G., Margherita, A., & Passiante, G. (2020). Digital entrepreneurship ecosystem: How digital technologies and collective intelligence are reshaping the entrepreneurial process. Technological Forecasting and Social Change, 150, 119791. https://doi.org/10.1016/j.techfore.2019.119791
Global Entrepreneurship Monitor (GEM). (2025). Global Entrepreneurship Monitor 2024/2025 Global Report: Entrepreneurship Reality Check. London: Global Entrepreneurship Research Association. ISBN : 978-1-0683369-8-0
Isenberg, D. J. (2011). The entrepreneurship ecosystem strategy as a new paradigm for economic policy: Principles for cultivating entrepreneurship. Babson Entrepreneurship Ecosystem Project, Babson College .
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Johanson, J., & Vahlne, J. E. (2009). The Uppsala internationalization process model revisited: From liability of foreignness to liability of outsidership. Journal of International Business Studies, 40 (9), 1411–1431. https://doi.org/10.1057/jibs.2009.24
Knight, G. A., & Cavusgil, S. T. (2004). Innovation, organizational capabilities, and the born-global firm. Journal of International Business Studies, 35 (2), 124–141. https://doi.org/10.1057/palgrave.jibs.8400071
Lans, T., Blok, V., & Wesselink, R. (2014). Learning apart and together: Towards an integrated competence framework for sustainable entrepreneurship in higher education. Journal of Cleaner Production, 62 , 37–47. https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2013.03.036
Nambisan, S., Wright, M., & Feldman, M. (2019). The digital transformation of innovation and entrepreneurship: Progress, challenges and key themes. Research Policy, 48(8), 103773. https://doi.org/10.1016/j.respol.2019.03.018
Nambisan, S. (2017). Digital entrepreneurship: Toward a digital technology perspective of entrepreneurship. Entrepreneurship Theory and Practice, 41 (6), 1029–1055. https://doi.org/10.1111/etap.12254
OECD. (2023). The Missing Entrepreneurs 2023: Policies for inclusive entrepreneurship and self-employment. OECD Publishing. https://doi.org/10.1787/5ce8b7e3-en
Schumpeter, J. A. (1942). Capitalism, socialism and democracy . Harper & Brothers.
Shane, S., & Venkataraman, S. (2000). The promise of entrepreneurship as a field of research. Academy of Management Review, 25 (1), 217–226. https://doi.org/10.5465/amr.2000.2791611
Stam, E. (2015). Entrepreneurial ecosystems and regional policy: A sympathetic critique. European Planning Studies, 23 (9), 1759–1769. https://doi.org/10.1080/09654313.2015.1061484
Sutter, C. J., Bruton, G. D., & Chen, J. (2019). Entrepreneurship as a solution to extreme poverty: A review and future research directions. Journal of Business Venturing, 34 (1), 197–214. https://doi.org/10.1016/j.jbusvent.2018.06.003